Beatrice Alemagna est la Grande Ourse 2023

Beatrice Alemagna © DR SLPJ

« Un regard sur l’enfance troublant et touchant ». C’est entre autres ce qui a convaincu le Salon du Livre et de la Presse Jeunesse d’offrir à Beatrice Alemagna ce magnifique titre de Grande Ourse. C’est aussi ce qui nous frappe et nous retourne depuis plus de 30 ans, chaque fois qu’un nouvel album de cette artiste remarquable arrive dans nos librairies. Une admiration que nous avions exprimée, à notre manière de Sorcières, en lui attribuant en 2020 un Prix Sorcières pour Les choses qui s’en vont (éd. hélium).

La nouvelle de cette Grande Ourse est donc pour nous réjouissante et nous fêtons cela en vous proposant de lire, ou relire, un entretien publié en septembre 2023 dans Citrouille. Beatrice Alemagna répondait aux questions de Nathalie Ventax de la librairie Comptines, à l’occasion de la sortie de la monographie Alphabet Alemagna (éd. La Partie). Pour patienter jusqu’à la sortie de son nouvel album (Le top du top à l’école des loisirs, sortie 22/11).

A COMME ALEMAGNA

Les éditions La Partie publient la première monographie consacrée à Beatrice Alemagna. Conçu comme un abécédaire thématique, Alphabet Alemagna rassemble les textes de plusieurs spécialistes de la littérature jeunesse, ainsi que de nombreuses images inédites, et propose une balade à la fois thématique et biographique dans l’univers de l’illustratrice italienne qui évoque ce projet inédit.

— Texte et propos recueillis par Nathalie Ventax, librairie Comptines

Comment s’est déroulée la collaboration avec les auteur·rices de cette monographie ? Avez-vous participé au choix des différents mots-clés ? Et surtout, êtes-vous contente du résultat ?
En novembre dernier, l’équipe de l’association Hamelin est venue dans mon atelier et a passé presque douze heures entre mes tiroirs et cartons. C’était un moment émouvant pour moi car cela faisait des années que je n’avais pas revu certains de mes dessins et ces « ouvertures de tiroirs » m’ont parfois secouée. J’ai réalisé la quantité de travail accomplie jusque-là. Les curateurs d’exposition ont décidé de procéder par mots-clés – des mots qui m’ont été suggérés, et que j’ai parfois proposé de modifier, mais qui, dans l’ensemble, m’ont paru très justes et pertinents. « Contente » n’est pas le mot qui correspond vraiment à ce que j’ai ressenti : je crois avoir été surtout éclairée et émue.Images non publiées, croquis préparatoires… l’Alphabet Alemagna regorge de matériaux inédits.

Comment s’est décidé le choix des illustrations ?
On a procédé main dans la main, avec Ilaria, Giordana et Emilio [l’équipe de l’association Hamelin, ndlr]. On a été le plus souvent d’accord sur la sélection, mais étant de nature très exigeante, j’avoue avoir été parfois la jurée la plus difficile à convaincre alors qu’il s’agissait de mon propre travail. Dessiner est une forme de langage : il appartient aux âges différents de notre vie et évolue avec le temps, suivant notre propre évolution mentale. C’est pour cela qu’il est parfois difficile de revoir ses propres images bien des années après et de les présenter à celles et ceux qui ne les ont jamais vues. Mais dans l’ensemble, j’ai été ravie de tout ce qui a été proposé dans la rétrospective.

Après plus d’une trentaine d’ouvrages publiés, l’utilisation de techniques très variées, les expositions rétrospectives de Bologne et Bordeaux, et la parution de cette monographie, avez-vous l’impression d’être arrivée à la fin d’une étape décisive dans votre œuvre ? Ou travaillez-vous déjà au « tome 2 » ?
Cette question me touche profondément car la fin de sa propre créativité est un spectre terrorisant pour un artiste. Que l’on célèbre mon travail aujourd’hui est un honneur mais aussi une étape marquante, car cela pourrait signifier la fin de quelque chose. J’essaie juste de le voir comme un couronnement de carrière, qui montre les étapes parcourues, me donne une vision globale de mon œuvre et une direction pour la suite. Je ne sais pas encore quel sera mon « tome 2 » mais l’important pour moi est de rester vibrante en faisant ce métier, de ne jamais ressentir d’ennui et de poursuivre la recherche de découvertes intérieures que provoque le dessin. En somme, garder l’envie et l’émotion pour tenter de les donner en retour.

Citrouille 95, septembre 2023
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