[Un article paru dans Citrouille en 2009, que nous republions à l’occasion des 20 ans de MeMo – voir en bas de page l’offre de l’éditeur pour célébrer son anniversaire!]
Quand on m’a proposé de tenir une chronique consacrée à la « petite édition » dans Citrouille, je n’ai pas hésité bien longtemps avant de choisir quel serait le sujet de la première… Etudiante à Nantes, il y a une dizaine d’années, j’y avais découvert le travail d’une petite maison d’édition au catalogue exigeant et au talent indéniable, un éditeur que j’ai continué de suivre et de défendre quand je suis devenue libraire quelques années plus tard. Son nom ? Les éditions MeMo, Me pour Yves Mestrallet et Mo pour Christine Morault, ses deux fondateurs. Un nom qui m’évoque toujours le voyage et la découverte, peut-être à cause de sa ressemblance avec le patronyme de ce héros légendaire de Jules Verne. Mais passons… Ce 25 juillet 2008, me voici donc de retour dans cette bonne vieille ville de Nantes, marchant vers le repère de ces créatifs… C’est au numéro 4 de la rue des Olivettes que je suis censée les retrouver et je ne sais pas si c’est à cause de la pluie, de mon sens de l’orientation déplorable, ou parce que cet ancien quartier ouvrier des bords de Loire regorge de ruelles, d’impasses et autres cours intérieures mais je commence vraiment à me demander si je ne me suis pas trompée d’adresse… Au bout d’une demi heure, c’est finalement au fond d’une de ces anciennes cours pavées que je finis par tomber sur ce que je suis venue chercher : une ancienne filature aux allures d’atelier d’artiste. Me voilà enfin arrivée au siège des éditions MeMo !
Une chose est sûre, les éditions MeMo ont ce truc que les autres n’ont pas, ce petit rien qui les rend si différents. Chaque livre publié est le fruit d’une sélection exigeante dont l’image est l’une des composantes essentielles. Et si l’illustration peut, à elle seule, nous raconter toute une histoire, les textes, toujours emprunts de poésie, participent eux aussi à la qualité des ouvrages. En imposant son esthétisme, l’éditeur a su trouver sa place dans le paysage éditorial français. Ses qualités graphiques, épurées et aériennes, sont présentes dans chacune de leurs publications, qu’elles soient classiques ou contemporaines et réussissent à exercer l’œil des petits comme des plus grands. Exceptionnel, son catalogue couvre presque cent ans de création de livres pour enfants. On y découvre des rééditions de classiques étrangers comme Le petit monde du peintre roux de Janusz Stanny, Histoires de Chien et de Chat de Josef Capek, Le petit bout manquant de l’américain Shel Silverstein, Macaronis et autres contes illustré par Kandinsky ou encore l’excellent Où est qui de Remy Charlip mais on y trouve aussi, en collaboration avec les Trois Ourses, une collection qui reprend des œuvres marquantes du XXième siècle : Quand la poésie jonglait avec l’image de Samuel Marchak et Vladimir Lebedev, Mon chat d’André Beucler et Nathalie Parain et surtout, mon préféré, Les très petits d’Elisabeth Ivanovsky, la réédition sous coffret de vingt-quatre petits livres d’exception parus entre 1941 et 1946, un ouvrage unique !
Si les éditions MeMo publient donc aujourd’hui des ouvrages qui ont marqué l’histoire de la littérature jeunesse, elles ne se limitent pas seulement à cela. Elles font aussi la part belle aux créations beaucoup plus contemporaines de jeunes artistes talentueux. Parmi eux des auteurs et des illustrateurs confirmés comme Olivier Douzou, Kitty Crowther ou Malika Doray mais aussi de jeunes créateurs qu’ils ont su découvrir et faire grandir tels que Janik Coat (Popov et Samothrace), Anne Bertier (Construis-moi une lettre, Chiffres en tête) ou encore Anne Crausaz, une jeune graphiste qui m’avait déjà séduite avec les lignes épurées de son premier album, Raymond rêve (qui met en scène un petit escargot très imaginatif) et qui récidive avec son dernier ouvrage, J’ai grandi ici, un album très graphique et poétique qui nous parle, avec une grande sensibilité, du temps qui passe et du perpétuel renouvellement de la vie. L’histoire ? Celle d’une petite graine tombée là par hasard. Malgré les coups du sort qui s’acharnent sur elle, elle va résister à l’adversité et continuer de grandir et de s’épanouir jusqu’à devenir, un jour, un magnifique arbre fruitier, un pommier dont les fruits donneront eux aussi bientôt des graines à replanter…Tout simplement magnifique ! Voilà, que vous dire de plus ?… Je ne vous ai pas convaincu ?! Si tel était le cas, rendez-vous au plus vite chez votre libraire jeunesse préféré… Faites-vous conseiller un ou deux albums parus aux éditions MeMo et vous verrez que je n’ai pas tort : cet éditeur ne fait décidément rien comme les autres !
Céline Guilbaud, librairie Lune & l’Autre – Citrouille, 2009




